INTRODUCTION

Le 1er mai 1979 s’éteignait à Téhéran celui qu’on nommera très vite Ostâd Shahîd Mortezâ Motaharî. S’il fut l’ostâd, le « professeur » de toute une génération, son enseignement résonne encore depuis l’éternité où il repose. Nous proposons aux lecteurs de revenir sur la vie et l’oeuvre de celui qui fut l’élève et le fils spirituel de l’imâm Khomaynî et qui, avec lui, participa à la fondation d’un nouvel Iran dont il ne vit que les premiers pas.

  1. De l’école à la hawza, les premiers pas

Nous disposons de peu d’informations sur l’enfance et la jeunesse de Mortezâ Motaharî, si bien que tenter de retracer le chemin qui fut le sien relève d’un jeu de piste. Ses ouvrages sont parsemés d’anecdotes éparpillées qu’il revient au lecteur de croiser et de remettre dans l’ordre.

C’est en Iran, en février 1920, dans le village de Farîmân, à 75 km de la ville sainte de Mashhad, que Mortezâ Motaharî voit le jour. L’Iran d’alors est bien différent de celui que nous connaissons aujourd’hui : le pays est exsangue, touché par la famine et la grippe espagnole, et l’insécurité généralisée renforce la faiblesse de l’État. Sans compter que le pays est en proie aux appétits étrangers, notamment russes et britanniques. Mortezâ Motaharî n’a qu’un an lorsqu’un coup d’État, en 1921, porte au pouvoir Rezâ Shah, le premier souverain de la dynastie Pahlavi. Le nouveau régime politique marginalise et persécute alors le clergé et semble vouloir se tourner vers le modèle occidental. En témoigne cette réforme du vêtement qui prévoyait entre autre l’interdiction du voile pour les femmes et qui, en 1935, avait suscité la contestation non-violente d’une partie du clergé. Une manifestation qui finit dans un bain de sang, réprimée par le régime au sein même du mausolée de l’imâm Rezâ (s).

Le père de Mortezâ Motaharî, shaykh Muhammad Husayn, est un rûhânî, littéralement « empreint de spiritualité », nom que l’on donne aux religieux en Iran. Le père est reconnu pour son intégrité morale et religieuse et, à ses heures perdues, aime composer des vers. De son père, Mortezâ héritera le goût de la lecture et de la poésie persane classique dont il citera souvent les auteurs les plus fameux. Une anecdote souriante rappelle également son amour de l’école. Il n’a que cinq ans lorsqu’un matin, bien avant l’aube, il fait son sac, y introduit livres et cahiers, et se rend à l’école communale qui n’a pas encore ouvert ses portes. On imagine bien la surprise des parents qui, au réveil, ne le trouvent pas dans son lit mais, quelques minutes plus tard, assoupi contre la porte d’entrée de l’école.

Malgré le contexte défavorable et l’insistance de ses proches qui tentent de l’en dissuader, Mortezâ Motaharî se décide à suivre un cursus religieux. C’est presque contre la volonté de tous qu’il intègre alors la hawza de Mashhad à l’âge de 13 ans. Il y étudie l’arabe, la jurisprudence et ses fondements, ainsi que la logique. Le futur professeur débute donc ses études à l’ombre de l’imâm Rezâ (s) et, très tôt, il semble assailli de questions existentielles :

            « De si loin que je me souvienne, à l’âge de 13 ans, un trouble existentiel me perturba. J’avais une grande sensibilité aux réflexions relatives à Dieu. Elles m’ont tant envahi (…) que j’ai senti une grande envie de m’isoler. »

M.H

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